Véritable monument d'une période cinématographique oubliée, les Oies Sauvages est un conte mercenaire d'amitié et de camaraderie qui traite de sujets bien plus profonds que ne pourrait le laisser croire son style parfois léger.
Illustration peinte par Arnoldo Putzu pour le poster de promotion du film en 1978
Original sur toile vendu par sothebys
Si vous n'avez jamais eu l'occasion de regarder ce film, je vous enjoint fortement à le regarder avant de lire cet article, il vaut le détour.
Je vais ici discuter du film, de son synopsis, de l'opération militaire qu'il contient, des armes et des uniformes qui y sont utilisés en essayant d'aller quelque peu dans le détail. Aussi, je vais bien évidemment en révéler l'intrigue et il serait bien dommage de vous gâcher ce divertissement tout droit sorti des seventies avant d'avoir pu le regarder.
Une des images de promotion du film, avec son atmosphère bien ancrée
L'histoire de départ est rémanente d'une période oubliée de notre histoire qui fait suite aux différentes guerres d'indépendance en Afrique.
Après avoir servi, certains soldats déçus des politiques qui ont décidé du sort de leurs camarades ont choisi de quitter les rangs des armées nationales pour aller continuer à combattre selon leurs propres termes et pour leur compte personnel.
"Mad" Mike Hoare, ancien officier de l'Army britannique, commandant du 5 Commando au Katanga, pendant la bataille de Baraka en 1965
Mercenaires du Wagner Group au Sénégal en 2022
Image provenant de apnews
Les soldats de fortune ont souvent cette étiquette de mercenaires sanguinaires, avides d'argent et sans le moindre scrupule.
Sanguinaires ils l'étaient sans le moindre doute mais beaucoup d'entre eux choisissaient la cause qu'ils ont voulu défendre et la paie était souvent maigre, retardée voire quelque fois inexistante.
Un grand nombre de ces compagnies de soldats privés travaillaient exclusivement pour le compte de leur gouvernement d'origine, effectuant les missions politiques qui ne pouvaient impliquer une armée officielle.
"Mad" Mike Hoare sur le tournage des Oies Sauvages en 1978 avec le réalisateur Andrew Maclaglen
Le recrutement terminé, l'unité se rend au Swaziland pour se préparer au grand jour, 50 hommes sur les rangs
Image du site imdb
Approché par un industriel très introduit dans les milieux politiques, le Colonel Faulkner, mercenaire intransigeant et alcoolique est engagé afin de se rendre dans un pays non spécifié d'Afrique du Sud et en extraire un ancien président destitué dans le but de le remettre à la tête du pays.
Afin de monter l'opération, il engage plusieurs de ses anciens collaborateurs et soldats qui ont servi sous ses ordres auparavant, échafaudant un plan audacieux et fulgurant, les laissant trois heures tout au plus sur le territoire avant leur sortie du pays.
Mise au point du plan d'attaque de la prison
Image du film
Les oies Sauvages n'est pas seulement un film bien ficelé, avec un casting stellaire pour l'époque. Il est aussi un film étonnant, qui traite de problèmes de société avec un regard étrangement averti pour son année de production.
En effet, non content de prendre à bras le corps le sujet du racisme, en particulier avec le duo Coetzee/Limbani, il s'attarde sur d'autres sujets délicats, notamment la question de l'homosexualité dans le milieu militaire avec le personnage de l'auxiliaire sanitaire Witty qui malgré quelques blagues salaces qu'il leur rend bien saura mourir avec une bravoure sans faille.
C'est de façon plus générale la condition de retour à la vie civile des militaires qui est centrale à l'histoire et les raisons qui les poussent à partir à nouveau au combat malgré un âge avancé pour certains. Camaraderie, envie d'aventure, problèmes d'argent et souvent un fond d'ennui, les raisons qui animent ces anciens soldats sont autant de récits des difficultés rencontrées après une vie dans l'armée.
Petit article qui diffère de l'habitude, j'espère que vous aurez su y trouver des éléments intéressants et surtout avoir pu vous faire découvrir ou redécouvrir un film qui a bercé ma jeunesse et que j'apprécie toujours autant de regarder.
Le plan en lui même, d'une simplicité redoutable, implique un largage aérien de nuit, la prise simultanée de deux objectifs au sol, l'extraction de la cible et un posé d'assaut pour récupérer les mercenaires.
Forcés à procéder le jour de Noël, ils comptent particulièrement sur la surprise et la rapidité pour entrer et sortir sans subir de dommages.
Le plan est classique, éliminer les gardes, forcer le périmètre, s'emparer de la prison et en extraire la cible avant de rejoindre l'aéroport local pour quitter la zone.
Le film pourrait se limiter à cela, un plan sans inventivité et une mise à exécution conforme et sans remous. C'est là qu'est la force de cette production, tirée du livre du même titre du Rhodésien Daniel Carney, qui surprend par son accomplissement astucieux.
Malgré un soutien politique des pays du bloc communiste, les soldats locaux comme les mercenaires portent une pléthore de versions du mythique FAL, produit par FN en Belgique et fabriqué sous licence par les anglais, ainsi que de nombreuses autres armes qui ont pour la plupart été vendue à l'Afrique du Sud.
Un vrai bonheur pour les connaisseurs, on y retrouve même quelques armes assez rares.
De nombreuses armes sont utilisées lors du tournage, la plupart sourcées en Afrique du Sud, conformément à ce qui se passe dans l'histoire.
Certains équipements choisis, quoi que vraisemblables dans ce contexte, éveillent aujourd'hui encore la curiosité des amateurs et des connaisseurs.
Pivot narratif du film, l'utilisation d'une arbalette par le Lieutenant Coetzee, Boer d'Afrique du Sud joué par Hardy Krüger
L'acteur Ian Yule, véritable mercenaire du Congo, équipé d'une étonnante carabine L1A1 SLR équipée d'un chargeur de 40 cartouches et d'un viseur point rouge précurseur. Le personnage de Tosh est un ancien du SAS, comme son insigne de béret l'indique, expliquant la présence de cette arme particulière qui est sans doute son arme personnelle
Un FN FAL 50 sur la gauche et une mitraillette Sterling de 9mm pour le Sergent Major
Image du film
A la fin du film, on peut apercevoir une FN MAG 58 belge au premier plan mais surtout un rare SIG STG 57 suisse
Photo provenant du très bon site imfdb
Entre la Vickers pillée sur place à droite et le Samopal VZ25 au premier plan, de quoi ravir les intéressés
Photo du site imfdb
L'utilisation du redoutable cyanure pour endormir les gardes à jamais, avec un Madsen M50 danois en appui
image du film
Petit point sur les uniformes
Presque tous issus des rangs de l'armée britannique, les mercenaires portent avec naturel le camouflage DPM anglais, apparu en 1966.
Ce sont les bérets qui les différencient, avec tout d'abord le rouge pour les "officiers" et le béret brun pour les troupes. Autre point à noter, chacun des hommes porte l'insigne de béret de son unité d'origine, tel le personnage de Tosh qui garde son insigne brodé des mythiques SAS. Seul le Lieutenant Coetzee, n'ayant pas servi l'armée britannique, porte néanmoins un insigne des paras.
Trois des officiers avec leurs insignes respectifs de gauche à droite, Royal Welsh Fusiliers pour Faulkner, Irish Guards pour Flynn et Royal Green Jackets pour Rafer Janders
Image du film
D'autres insignes, cette fois sur béret brun. De gauche à droite Royal Army Medical Corp, Grenadiers Guard, Lancers, Paras, Black Watch et Royal Scots
Photo provenant du site movie-dude
Officier d'Allemagne de l'Est en charge de la tour de contrôle de l'aéroport
Image du film
Inspirées d'unités tout à fait réelles, celle constituée pour l'histoire du film fais plus que seulement y puiser une vague inspiration.
Véritables armées supplétives, les mercenaires ont sillonné l'Afrique, faisant feu dans toutes les guerres qui ont déchiré ce continent jusqu'à aujourd'hui.
Pivot du film, ces mercenaires sont même présents sur les lieux du tournage avec le casting de Ian Yule, ancien parachutiste et véritable mercenaire qui appartenait au 5 Commando de Mike Hoare au Congo Belge et qui l'a même fait venir sur les lieux du tournage.
Saut de nuit pour les Oies, en grappe et dans le noir
Mais surtout, ce qui change la donne du film, c'est l'utilisation du Cyanure au combat. Véritable crime de guerre qui ne semble pas les embarrasser outre mesure, permet une élimination rapide et sans bruit des sentinelles au moyen d'ampoules de produit tirées par l'arbalète du Lieutenant Coetzee et des gardes au repos dans leur lit par brumisation. Terriblement efficace et particulièrement atroce.
Les "Simbas", garde d'élite du président local avec leur officier est-allemand portant tous le camouflage Denison anglais, tombé en désuétude après le seconde guerre mondiale
Image du film
Un conseiller cubain en uniforme lors de l'assaut de la prison
Image du film